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DISCUSSION ET COMMENTAIRES

CHAPITRE V : DISCUSSION


Nous avons mené une étude rétrospective, descriptive transversale, portant sur les aspects épidémiologiques et thérapeutiques de la schizophrénie à Lubumbashi ; notre recherche a été menée au Centre Neuropsychiatrique Joseph Guislain (CNPJG) et elle s’étendue sur une période allant du 01 janvier 2012 au 31 décembre 2014. Certains éléments du protocole n’ont pas fait objet d’analyse et de discussion par manque de données suffisantes ; voici ce que nous avons trouvé :
Au cours de notre étude, nous avons recensé 1857 cas admis au Centre Neuropsychiatrique Joseph-Guislain (CNPJG) dont 69 cas de la schizophrénie, soit une prévalence hospitalière de 3,72 % (figure I). KAPOUNE K. (Burkina-Faso) et TOGNON F. (Benin), cités par O. DIN, ont observé respectivement 4,45 % et 4,5 % de prévalence hospitalière (36); tandis que Schneider (hôpital Ravenel, Nice-France) a trouvé que la schizophrénie représentait 23,63% des diagnostics enregistrés (12) et Ousmane DIN (CHU du Point G , Mali) a noté une prévalence de 12,1 % (310 sur 2570 patients hospitalisés); Cette différence, statiquement significative (p=0.001), avec Schneider pourrait s’expliquer par le fait que l’hôpital Ravenel est un centre qui prend en charge que les pathologies psychiatriques et aussi avec Ousmane DIN par le fait que son étude n’a concerné que l’unité de psychiatrie du CHU du Point G. ; alors que le CNPJG prend aussi en charge les pathologies neurologiques.
Notre étude a révélé que la tranche d’âge comprise entre [21 – 30] ans était la plus concernée avec un effectif de l’ordre de 31 cas soit 46,97 % et la moyenne d’âge calculée est de 31 ans avec un écart type de 7 ans (Tableau I). Ousmane DIN (Mali) a trouvé que la tranche d’âge 26 - 35 ans représentait 44% et l’âge moyen des patients était de 27,75 ans ± 7,38 ans (36); Claire O. pour sa part a trouvé une moyenne d’âge de 25 ans (2) ; dans la littérature on indique que la tranche comprise entre 15 et 30 ans est la plus touchée (1, 13).
Notre étude a montré que le sexe masculin est le plus touché avec une fréquence 72 % soit un sex-ratio de 2,63 en faveur des hommes (Figure II). La différence n’est pas statistiquement significative avec la recherche menée par Claire O qui a trouvé que sexe masculin représentait 72 %  avec un sex ratio établit à 2.57 en faveur des hommes (4)  (p=0.119); Delfour A. a trouvé une prédominance masculine, parmi les 238 patients de l’échantillon de son étude, avec 54% d’hommes; et Ousmane DIN a observé une prédominance du sexe masculin (89 % d’hommes) (36). Emily & coll. expliquent  cette surreprésentation masculine par le fait que:
·         Les troubles du comportement, plus bruyants, seraient moins fréquents chez les femmes, alors que ces derniers symptômes rendraient la détection de la schizophrénie plus aisée. Ainsi, chez les femmes, la schizophrénie serait donc moins décelée en raison de la plus faible fréquence des troubles comportementaux (5).
·         Les œstrogènes, en exerçant une action neuromodulatrice au niveau du striatum, diminueraient la concentration de dopamine dans cette région. Ils auraient un rôle protecteur, « neuroleptique-like » retardant ainsi l’éclosion de la maladie chez les filles (5).
Au cours de notre étude nous avons trouvé une prédominance des célibataires avec une fréquence de 53,62 % (Tableau II). G. Halling a trouvé une prédominance  des célibataires (52 %)  et YAO YAVOP P. (Cote d’ivoire), cité par Ousmane DIN, a aussi noté que les patients étaient des célibataires en majorité (71,4 %) (36) (p=2.706), une différence non statistiquement significative; la raison évoquée est le fait que la symptomatologie dans la schizophrénie éloigne le patient de la société et constitue un handicap important dans les relations sociales (14). ; Pour nous, le fait que la majorité des patients de notre échantillon sont sans profession (Tableau IV) peut être considéré comme une raison de plus pour justifier cette fréquence élevée de célibataire.
La commune Lubumbashi a été la plus représentée avec une fréquence de 24,64 % et la commune de Kampemba, en deuxième position, avec 21,74 % (Figure III). Nous pensons que ceci est lié à la proximité de ces deux communes avec le centre neuropsychiatrique Joseph Ghislain. C’est aussi le constant de Tshilombo qui a mené dans ce centre neuropsychiatrique une étude sur les facteurs étiologiques de la dépression (8).
Les patients ayant le niveau d’étude primaire étaient majoritaires avec une fréquence de 33,33%  dans notre série, suivie du niveau secondaire avec 30,44% (tableau III).  Claire O. a trouvé dans son étude en Tunisie que 82 % de patients ont un retard scolaire ou ont été précocement déscolarisés (2). ;  KAPOUNE K. (Burkina-Faso), cité par Ousmane DIN, a trouvé que 47,9% de ses patients étaient non scolarisés et 56,5% avaient un niveau d’étude primaire et YAO YAVO P. (Côte d’Ivoire) a observé que 76,7% de ses patients n’avaient pas dépassé le niveau secondaire (36). Joukamaa M. et Littrel C., cités par G. Halling, notent que les patients schizophrènes possèdent souvent un faible niveau scolaire (14). Même s’il est difficile de comparer les systèmes scolaires de différents pays (RDC versus, Allemagne, France, Tunisie, Burkina), ces difficultés scolaires résulteraient, pour certains auteurs, d’anomalies cognitives précoces telles que les troubles attentionnels, les difficultés de mémorisation, un niveau de QI faible, le désintérêt du patient par rapport aux activités. Les conclusions issues d’études d’enfants à « haut risque » (parents schizophrènes) présupposent que ces difficultés scolaires pourraient être des marqueurs d’une vulnérabilité à la schizophrénie, mais leur sensibilité et spécificité, demeurent encore trop faibles (33).
La majorité de patients n’avait aucune profession avec une fréquence de 53,62 % (tableau IV). Roick C.  note que les patients schizophrènes sont dans la majorité de cas sans emploi (77 %) (39) ; Trois faits pourraient expliquer ce constat dans notre étude : La symptomatologie qui éloigne le patient de la société (délire, agressivité, retrait, etc.), le niveau d’études bas (Tableau V) et le taux de chômage élevé dans notre milieu.
Notre étude a montré que dans la majorité de cas les patients consommaient des substances psychoactives (56,52 %), l’alcool a constitué la substance psychoactive la plus retrouvée  (82,61 %) (Tableau VII). Ce constat se rapproche de celui de Ousmane DIN qui a observé que 52,5% des patients schizophrènes prenaient des substances psychoactives (36) (p=2.11). Tandis que l’on note une différence statistiquement significative avec le résultat de Claire O. qui a noté que 44 % des patients ont fait usage des substances psychoactives durant l’adolescence (2) (p=0.017); Notons que ce dernier avait pris en compte que la consommation de substances psychoactives à l’adolescence tandis que dans notre étude nous avons aussi considéré la consommation après l’adolescence. Selon Schneider, Il existe une très forte association entre la consommation des substances psychoactives et la schizophrénie (12). Il a été démontré que la consommation de substances psychoactives, le cannabis surtout, favorisait la survenue de symptômes schizophréniques chez les patients vulnérables d’une part, et d’autre part procurait un soulagement transitoire ce qui engendre à la longue une dépendance (44).
Au cours de leur enfance 44.93 %  de patients ont connu un choc émotionnel, et  le décès d’un ou de deux parents a constitué le type du choc émotionnel le plus retrouvé avec une fréquence de 66,67 % (Tableau V). Ce taux élevé démontre  aussi l’importance de facteur environnemental perturbant la croissance psychologique pendant l’enfance. Cette affirmation a été aussi épinglée par plusieurs, auteurs dont  Henry E. et coll., concernant les facteurs étiopathologiques de la schizophrénie (16).
Notre étude a montré que les patients ayant au moins un antécédent psychiatrique hérédofamilial représentent 56, 52 % de cas malgré que le type n’a pas été déterminé ; et concernant le lien avec le patient, il s’agissait soit de sa sœur et/ou de son frère dans 41,02 %, soit d’un ou des parents dans 28,21 % de cas (tableau VI) soit 69,03 % des apparentés du premier degré. Claire O. a noté que 62 % des patients avaient au moins un antécédent psychiatrique chez un apparenté du 1 er degré (2). NICOLIS et al ont recensé, dans une étude sur 100 adolescents hospitalisés en unité de crise, 74% avaient des antécédents psychiatriques familiaux, et pour ROBINSON et al, ce chiffre s’élève à 60,4% (30). Ousmane DIN a trouvé que les sujets ayant des parents de premier degré malades représentaient 55% (36). Ce taux élevé, dans ces différentes études, s’accorde avec la théorie sur l’hypothèse génétique dans la survenue de la schizophrénie sans constituer à elle seule la cause.
Au cours de notre étude nous avons noté que les symptômes « positifs » étaient les plus retrouvés, dans 80,41 % de cas et dans cette catégorie « l’agressivité » (47,54 %) et  les propos incohérents (39,34 %) étaient les plus notés (Tableau VIII). Ousmane DIN a aussi trouvé que les symptômes positifs constituaient les  principaux motifs de consultation (L’agressivité 47,3 % et l’agitation 18,9%) (36). HALOUANI A. et col., cités par Ousmane DIN,  estiment ces symptômes positifs souvent retrouvés troublent généralement l’ordre public ce qui explique qu’ils sont les principaux motifs de consultation et de demande d’hospitalisation (36). Frank N. explique le taux élevé des symptômes positifs par le fait que dans la schizophrénie on retrouve plus les signes positifs (13).
Notre étude a révélé que la schizophrénie « désorganisée » était la plus retrouvée avec 30,84 % et la forme « paranoïde » avec 17,39 % ; en deuxième position ; mais il faut noter que la forme clinique n’avait pas été déterminée dans 37,68 % (Tableau XI). Sans préciser les fréquences, W. Rossler et ARONDO ont trouvé que la forme paranoïde était la plus retrouvée et la forme hébéphrénique venait en deuxième position (11, 44) ; Nous estimons que la différence entre notre étude et celles citées ci-haut réside dans le fait que dans 37,68 % de cas, dans notre étude, la forme de la schizophrénie n’avait pas été déterminée. Signalons ici que les autres axes (selon DSM) n’ont pas été analysés par manque de données.

Notre étude a révélé que les malades étaient d’abord amenés à une formation médicale avant leur admission au CNPJG (47,83 %) ; il s’agissait souvent d’un centre de santé (57,58 %) (Tableau XII). Nous estimons que cette attitude pourrait s’expliquer par le fait que certains éléments de la schizophrénie, tels que les hallucinations, le délire, agitation, etc. (Tableau VIII), sont considérés, par des personnes non informées, comme de pathologies médicales  (paludisme grave par exemple) mais aussi par le fait que le centre de santé constitue la porte d’entrée dans le système de santé de notre pays et est proche de la population.

Concernant la prise en charge proprement dite:
·         Notre étude a montré que tous les patients ont bénéficié d’une prise en charge médicamenteuse mais que 5,8 % de patients seulement ont bénéficiés (une psychothérapie de soutien) la psychothérapie (tableau XIII). Selon la Conférence de Consensus des Psychiatres Français (CCPF) la prise en charge de la schizophrénie doit intégrer la triple dimension de l’individu (biologique, psychologique et sociale) (10). Les recommandations actuelles sur la prise en charge de la schizophrénie expliquent les avantages de la psychothérapie dans l’évolution du patients (dans la réhabilitation des patients  et la réduction des récidives) (43); Adrian Schuster montre, dans son étude sur les soins psychiatriques en R.D. Congo, que l’accès à une prise en charge psychologique semble extrêmement limité, ceci dû probablement au fait que le cout du traitement est à la charge essentiellement des patients et/ou des familles (1). Pour nous, nous estimons que ce faible taux s’explique, d’une part, par le fait que la psychothérapie n’est pas systématique dans notre milieu, ceci est probablement lié au cout financier et à la disponibilité du personnel qualifié (psychologues); et d’autres parts, par le fait que d’autres patients en ont bénéficié sans que cela soit mentionnée dans leurs dossiers médicaux.
·         Les neuroleptiques classiques les plus utilisés sont de type « Butyrophénones » (Halopéridol chez 79,71 %) (Tableau XIV). Actuellement dans le traitement de la schizophrénie, il est recommandé d’utiliser les antipsychotiques de seconde génération (23) ; nous estimons que cela n’est pas réalisé par le fait que ces antipsychotiques de seconde génération ont un cout élevé par rapport aux classiques et sont non-disponibles sur le marché pharmaceutique dans notre milieu.
·         Les effets secondaires dus aux neuroleptiques classiques ont été retrouvés chez 56,52 % de cas, il s’agissait souvent de la sécheresse des muqueuses (bouche, conjonctives) (69,23 %) (Tableau XIV). Ces patients ont reçu un anticholinergique (Artane ®) ; Il a été démontré que les neuroleptiques classiques sont pourvus des effets secondaires de type cholinergiques, extrapyramidaux, etc. ce qui est rarement retrouvé avec les neuroleptiques atypiques (23, 10).

Concernant l’évolution (hospitalière et extrahospitalière) nous avons noté :
·         Que les patients ont fait en moyenne  33 jours d’hospitalisations (±33). la durée du séjour la plus courte durée a été retrouvée dans la forme « paranoïde » (≤10 jours) et la plus longue dans les formes résiduelle et désorganisée (≥71 jours) (Tableau XV). Frank N. indique que généralement la forme paranoïde a une évolution bonne et rapide (13), ce qui expliquerait cette durée courte d’hospitalisation. Pour nous la courte durée du séjour hospitalier dans notre milieu s’expliquerait par le fait que le cout financier, résultant d’une hospitalisation dans une structure médicale spécialisée , est élevé ce qui motive la famille, qui supporte seule ce fardeau, a écourtée le séjour et parfois contre l’avis médical,.
·         56,52 % de patients sont venus aux consultations du contrôle (Tableau XVI). Les consultations du contrôle comportent un cout et constituent par conséquent un handicap majeur pour la poursuite des soins (consultations de contrôle), surtout qu’ils sont financés essentiellement par les familles (1).


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